Impression

Rubyana S.

Il y a quelques jours, je suis tombée sur mes anciens journaux intimes qui datent de plusieurs années. Je me suis mise à les lire et c’est là que je me suis rendue compte à quel point je suis une personne différente aujourd’hui.

Quand j’avais douze ans, je croyais que j’étais le centre du monde […], que les décisions que les gens prenaient devaient m’être bénéfiques. Je vivais dans un monde idéal où la seule personne qui en valait la peine, c’était moi.

Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Le cours de philosophie m’a fait voir le monde d’une autre manière. Ce cours m’a fait voir à quel point l’univers où on vit est beaucoup plus grand que nous.

Avant le cours, j’avais une certaine étroitesse d’esprit. Je ne pouvais imaginer les choses que je ne connaissais pas. Pour moi, les seules choses qui valaient la peine d’être raisonnées, c’était les croyances et les principes des autres, mais pas les miens.

J’étais naïve. La moindre chose m’emballait. Par exemple, en lisant mon journal, je suis tombée sur un texte que j’avais écrit à propos d’un garçon que je prétendais aimer. J’expliquais à quel point j’étais certaine qu’il avait des sentiments pour moi. Mes arguments étaient ridicules. Dans le temps, ils suffisaient à me convaincre. J’ai vu la différence entre la personne que j’étais et celle que je suis maintenant. […]

La philo m’a appris à regarder une situation de manière objective pour y détecter un problème, chose que je ne faisais pas auparavant.

Par exemple, toute ma vie j’ai été entourée de gens qui me manipulaient avec du chantage affectif. Ces gens-là étaient toujours prêts à me forcer à prendre des décisions que je ne voulais pas nécessairement prendre, mais puisque c’étaient des personnes à qui je tenais, je n’osais pas m’opposer.

J’avais un meilleur ami. […] Un jour, j’ai appris que son ami Y avait des sentiments pour moi. Y était une bonne personne, vraiment.On se connaissait depuis toujours. On s’entendait bien. Lorsque j’ai appris que Y était amoureux de moi, j’ai porté attention à la relation que j’avais avec lui. Les jours ont passés et, à un moment donné, j’étais très proche de Y. Beaucoup plus qu’il ne le fallait. Mon meilleur ami l’a remarqué et il fut frustré. Il m’a demandé si j’avais quelque chose pour Y […] Lorsqu’il a le doute dans mes yeux, la première chose qu’il m’a lancé au visage fut un sophisme :
– Si tu finis avec lui, je ne t’adresse plus la parole!

Mais quel chantage!

Honnêtement, je ne suis pas [sorti] avec Y parce que je ne voulais pas décevoir mon meilleur ami. Aujourd’hui, je réalise à quel point j’aurais dû donner une chance à Y.

J’avais tendance à laisser les autres décider à ma place. Je ne prenais pas le temps de me connaître moi-même. Je préférais m’appuyer sur les autres. J’étais beaucoup plus enthousiaste pour ce que les autre accomplissaient que pour mes réalisations personnelles. Je vivais la réalité des autres. […] Je laissais ma vie routinière et banale dicter mes pensées. Je me suis rendue compte que je ne savais pas pourquoi j’étais en vie.

Lorsqu’on a commencé à parler de la nature cyclique de la vie, j’ai été choqué! J’ai réalisé à quel point la vie était courte […] sommes périssables. C’est comme si j’avais toujours pensé que j’étais immortelle.

Quand nous avons abordé la notion de cycle de vie, j’ai voulu prendre ma vie en main. Bien sûr, c’est difficile à 17 ans, mais bon. À ce moment-là, j’ai réalisé que j’avais de la chance d’être en vie.

Chaque jour suffit sa peine. Demain est un autre jour. J’ai compris que nous sommes de passage et que c’est à nous à donne une valeur à notre séjour sur Terre. Cette partie du cours fut de loin ma favorite […] nous sommes ici pour assurer la continuité.

Par contre, je n’ai pas voulu me limiter à cela. Je me suis rendu compte que je suis la maîtresse de ma vie et de ce que je veux devenir […] J’ai décidé de donner un sens à mon séjour. […] C’est pourquoi maintenant, je décide de penser à moi, de me retrouver. De voir et comprendre ma place dans […] un monde qui me dépasse.

[…] Une phrase m’est restée dans l’esprit, tirée de votre livre : «  Le seule manière de sortir du cercle répétitif de la vie est de participer à la vie. » Cette phrase m’a beaucoup fait réfléchir. Ma vie a toujours été routinière et plate. École, dodo, manger, télé, sortir. Rien d’extraordinaire. Toujours la même chose. […] c’est tout ce que j’ai toujours connu, mais parler de la mortalité en classe m’a fait prendre du recul : est-ce que je vis vraiment pour moi? J’ai réalisé que non.

Je laissais les autres décider comment j’allais vivre ma vie. […] c’est maintenant que je réalise que l’opinion de tel être humain n’a pas plus de valeur que le mien. Surtout pas son jugement de ma vie. En effet, nous vivons tous à la même place. Je vis dans le même monde périssable et éphémère que mon voisin. Pourquoi son opinion devrait avoir plus d’impact que le mien. Après tout, je suis la seule qui aura à vivre avec les conséquences de mes décisions. Personne d’autre.

Dès que j’ai adopté cette façon de voir les choses, ma vie a pris une autre tournure. Ça va beaucoup mieux. Surtout dans mes relations avec les autres, car j’ai appris à pardonner et à laisser aller les choses. Je vivais pour plaire aux autres, mais j’ai vite pris conscience que personne ne vivait sa vie pour me plaire. Ça ne faisait plus de sens.

C’est alors qu’un jour, j’ai décidé de prendre des nouvelles de Y. Je me souvenais qu’il m’avait envoyé un message le jour de mon anniversaire, mais je n’osais pas répondre. Deux ou trois mois plus tard, j’ai enfin répondu. […] c’est comme s’il n’y avait jamais eu de « froid ». C’est drôle à dire, mais Y est une des meilleure personnes que je connaisse. C’était totalement irraisonnable de ma part d’avoir arrêté de lui parler à cause que mon « meilleur »ami refusait que je sorte avec lui. Où était la logique? C’était juste pour qu’il ne se sente pas comme une troisième roue. Un procès d’intérêt. Rien de moins.

Mis à part ma relation avec Y, la plupart de mes relations ont changé. Depuis le cours de philo, je prends le temps de prendre du recul sur certaines choses et c’est beaucoup plus facile pour moi de filtrer l’information qu’on me donne. Je ne suis plus une éponge qui absorbe tout ce qu’on me crache au visage. Maintenant, je me questionne.

La philo m’a appris à me développer, à me forger une personnalité. Depuis que j’ai réalisé qu’on était que de passage, je cherche à toujours inspirée, car j’ai tendance à oublier à quel point la vie est courte.

Je suis une fille passionnée de la danse à cause de mes études. Je ne trouvais plus le temps de danser. J’étais plus concentré sur ce que j’étais sensée faire : étudier.Je valorisais l’école beaucoup plus que ma propre passion car c’est ce que mes parents attendaient de moi. […] Depuis quelques temps, je m’assure de danser au moins une fois par jour entre deux sessions d’étude. Depuis que j’ai réalisé qu’il fallait que je vive pour moi, je jongle entre mes études et ma passion. Depuis, je suis beaucoup plus détendue, beaucoup plus parlable. Mon stress par rapport à mes études est parti. […]

Le cours de philo m’a aussi aidé à m’orienter. Au début de la session, quand j’ai eu mon premier cours de mécanique, j’ai voulu mourir! Je n’arrêtais pas de me plaindre à ma mère que j’étais Dans le mauvais programme et que jamais je pourrais m’épanouir en science de la nature. Je voulais quitter le programme, mais je ne l’ai pas fait. Je me suis dit que ce n’était que le début de la session et que j’allais changer de programme en hiver si jamais je n’aimais pas.

Quand on a abordé les expertises techno-scientifiques, tout est devenu clair. J’étais passionnée par l’évolution causée par la science. J’ai adoré. Ça m’a inspiré à contribuer à une évolution, moi aussi. […] Je ne sais toujours pas où je veux aller exactement, mais je suis décidée […] à ne pas quitter mon programme.

Somme toute, le cours de philo m’a marqué. Je ne m’attendais pas à l’aimer autant.

 

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